Essai : et si les possesseurs de Honda e avaient tout compris ?

470 ventes en France en 2020, 421 en 2021, on ne peut pas dire que la Honda e court nos rues. Cependant, après mon essai, une question me taraude : et si leurs propriétaires avaient finalement tout compris ?

Confidence : je n’aime pas trop lire les essais de mes confrères (mis à part la bande de Blogautomobile, étant sûr de me délecter à chaque fois), majoritairement parce que je ne veux pas être influencé par leurs avis sur des voitures que je pourrais essayer. Seulement voilà, l’intérêt que je portais à la Honda e s’ajoutait à son absence dans mon planning d’essai, aussi je me suis permis de suivre un peu ses tribulations dans la presse française. Et les avis étaient quasiment unanimes : chère, peu habitable et dotée d’une autonomie bien plus faible que ses concurrentes, la petite Honda se trouvait systématiquement reléguée bien loin des bonnes notes et des podiums.

Aussi la “e” disparut de mon esprit, seulement réveillé par les rares fois où mon chemin en croisait une. Et c’est lors d’un de ces instants le mois dernier où je me suis dit que, zut à la fin, j’aimerais quand même bien voir ce qu’elle vaut. Un petit mail à Honda, on s’accorde sur un prêt de cinq jours fin mars et me voilà, en ce début de printemps, à troquer ma Mini pour une Honda e toute blanche -pour moi la couleur qui lui sied le mieux, lui donnant ce petit côté iPod qui me plaît énormément.

Car oui, je trouve la Honda e (comme 97 % d’entre vous, j’imagine) absolument craquante. Alors, certes, elle n’a pas ce cool ultime du concept mais il est bien rare de trouver une voiture de série aussi rafraîchissante. Jantes 17″, peinture biton, projecteurs LED, vitres sans encadrement, tous les ingrédients sont là, mais la p’tite Honda apporte quelque chose de plus, quelque chose de fabuleusement moderne et pétillant. Résultat : pas mal de gens la regardent – résultat certes bien aidé par la rareté de l’auto.

L’intérieur poursuit l’effet wow de l’extérieur, notamment par cette planche de bord ornée de pas moins de cinq écrans -notons que le terme de “planche de bord” est parfaitement approprié, vu l’horizontalité parfaite de cette dernière. Un derrière le volant, un central, un devant le passager et un dernier à chaque extrémité : n’en jetez plus, la coupe est pleine. Ça claque. Mais est-ce utile ? Comme pour le Taycan ou l’EQS, je ne suis pas convaincu par l’utilité de l’écran passager.

Je veux dire, tout être humain normalement constitué (Mimie Mathy compris) est capable d’atteindre l’écran central depuis le siège de droite et l’argument “le passager peut choisir la musique pendant que le conducteur regarde la navigation” doit correspondre à 0.0001 % de la vie de la voiture. Ajoutons à cela que les raccourcis pour l’écran passager se situent à droite de celui-ci, les rendant très compliqués à atteindre par le conducteur. Et puis, de toute manière, on a Android Auto & Apple Carplay de série qui savent très bien s’occuper de la nav et de la musique avec un seul écran. Pour le coup, je serais curieux de savoir comment les “vrais” propriétaires utilisent ces écrans !

Le reste de l’habitacle ? Effectivement, c’est pas palace, surtout rapporté aux 3.89 m de la voiture : une Twingo de quasi 30 cm de moins se paye le luxe de proposer la même capacité de coffre, avec 181 litres pour la Honda contre 188 pour la Renault, alors qu’elle cache elle aussi son moteur sous le plancher. Cependant, comparée à la Mini électrique de taille comparable, la Honda e reprend quelques couleurs avec ses pratiques cinq portes (même si elle se fait dégommer niveau coffre avec 40 litres de moins).

Et ces cinq portes permettent un accès aisé à la banquette arrière, aussi bien pour s’assoir que pour fixer un siège bébé, grâce à l’ouverture à quasi 90° des portières arrière. Là-bas, on n’est pas si mal, même si les deux places à l’avant sont quand même bien plus accueillantes, baignées de lumière et débarrassées de cet encombrant tunnel de transmission : c’est beau, c’est épuré, c’est zen, ça respire, j’adore. Une disposition qui me rappelle la BMW i3, ce qui est une bonne chose vu que j’adore la BMW i3. Un défaut ? Allez, soyons ronchons et évoquons l’absence d’accoudoir central qui aurait bien été utile vu la décontraction qu’infuse la conduite de la Honda. Mais à part ça…

Car oui, la décontraction est bien la valeur clef de la conduite de la Honda e. Ne serait-ce que par l’assise un peu en hauteur, juste ce qu’il faut pour bien voir partout, ou par le rayon de braquage assez hallucinant de 4.3 m. Du coup, en ville, c’est un bonheur -bonheur qui vient d’ailleurs se renforcer par la gestion de la pédale de frein, point critique de tout VE. La Japonaise propose quatre niveaux de freinage régénératif, de la quasi roue-libre au freinage appuyé, mais ces niveaux ne m’ont pas impressionné par leur gradation. Et puis ces niveaux s’annulent à la fin de chaque freinage et c’est énervant. Non, ce qui est très bien, c’est le système “une pédale”, où l’intégralité des accélérations et des freinages (même jusqu’à l’arrêt complet) se font via la pédale de droite. Je pense que je n’ai eu ce système à l’essai qu’avec l’initiatrice de ce mode, la Nissan Leaf, et la Honda e est assez bluffante dans le genre : on peut vraiment adopter un rythme tout à fait fluide et, de mon point de vue, encore plus reposant au volant.

J’ai d’ailleurs découvert une autre utilisation de cette fonction “une pédale”…en haussant le rythme ! J’ai pris un pied pas possible dans la vallée de Chevreuse où j’arrivais à négocier tous les virages en modulant simplement la pression sur la pédale d’accélérateur. On peut faire du freinage dégressif sans aucun problème et, grâce aux 154 ch & 315 Nm de couple envoyés aux roues arrière, on ressort des virages en trombe. Vraiment un gros kiff.

Une autre particularité de la Honda e est, bien entendu, ses rétrocaméras. J’avais déjà pu avoir un avant-goût de ce système en prenant le volant de l’Audi e-tron Sportback, mais je n’ai eu besoin de quelques mètres pour me rendre compte que le système est bien mieux foutu sur la Honda, en raison notamment des écrans placés extrêmement proches de la position normale de “vrais” rétroviseurs -sur l’Audi, les écrans étaient incrustés dans les contre-portes et c’était bien moins naturel. Aussi étonnant que cela puisse paraître, on se fait extrêmement rapidement à cette rétrovision d’un nouveau genre. Sur les premiers kilomètres, j’ai eu du mal à évaluer la distance à laquelle se trouvaient les véhicules derrière moi, mais une petite règle s’affiche lorsqu’on met le clignotant et c’est très commode. En bonus, ça améliore l’aérodynamisme et donc l’autonomie…et ça rend la voiture encore un peu plus silencieuse. Tout bénéf !

#rétrocaméraspotting

Et niveau autonomie, ça donne quoi ? La batterie de 35.5 kWh de la Honda e limite forcément son rayon d’action, donné à 220 km WLTP avec les jantes de 16″ et 210 pour les 17″, bien loin des 395 km tirés des 52 kWh d’une Zoe. La conso moyenne est donnée pour 17.8 kWh/100 km, une valeur que je trouve…un brin excessive : après 550 km à son volant, j’ai rendu la petite Honda avec une conso de 14.6 kWh/100 km ! De quoi proposer une autonomie aux alentours des 240 km. Mais (il y a un gros mais) il faut pondérer ce bon résultat avec l’exceptionnellement douce fin de mars que nous avons connu, me permettant de couper clim & chauffage. Les 240 km sont donc à considérer comme une valeur max.

Autonomie (juste correcte, même pour une urbaine) qui pourrait s’étendre un peu plus si on ne sort pas de la ville, car ma conso relevée prend en compte un aller-retour à Chartres. Pourquoi Chartres ? Parce que la cathédrale est jolie, parce qu’y aller, c’est me souvenir de cette fois où j’ai entièrement retapissé les toilettes d’un pote de Get 27 (Thomas, éternelles excuses), et surtout parce que ce n’est pas loin. Car, rappelez-vous, j’ai un peu épluché les avis de mes confrères à propos de la Honda e et revenait systématiquement ce point noir : une consommation monstrueuse sur autoroute. Créteil-Chartres, ça fait 90 km, il y a une station Ionity là-bas, je ne prends manifestement pas beaucoup de risques -et encore, je prendrai encore moins de risques en limitant ma vitesse à 110 km/h. Résultat ? Une arrivée triomphante à la station avec 51 % de batterie restante.

Sortons les calculettes : sur les 90 km parcourus, j’en ai effectué 60 à 110 km/h où j’ai utilisé 39 % de la batterie. Quelle est l’autonomie totale si le petit Jean-Baptiste continue sur cette lancée ? Un produit en croix donne la solution : 154 km -à pondérer, encore une fois, par les conditions météorologiques optimales. Même pas drôle, je corse un peu les choses au retour avec une vitesse de croisière de, tenez-vous bien, 120 km/h. Résultat : 44 % de la batterie sucée sur les 60 km autoroutiers, soit 20.2 kWh/100 km de moyenne (ça fait 141 km d’autonomie théorique). Même pas drôle.

Quelque chose d’encore moins drôle : la recharge Ionity. Ce qu’il faut savoir, c’est que la Honda e accepte seulement 50 kW max en courant continu, et je n’ai pas dépassé les ~25 kW durant ma charge. Combinez cela avec les 0.79 €/minute facturés par Ionity -Honda ne faisant pas partie du consortium- et vous comprenez rapidement que les sorties autoroutières avec la Honda ne seront qu’exceptionnelles.

Allez, on continue avec les sous, il est temps de parler tarifs. Vous voulez une Honda e ? Il vous faudra débourser 36 670 € (soit 30 670 € bonus déduit) pour la version “de base” avec un moteur de 136 ch ou 3 000 € supplémentaires pour accéder à la version “Advance” et son moteur de 154 ch. La bonne nouvelle, c’est que la version de base vient avec à peu près tout ce dont on pourrait rêver : sièges avant chauffants, ouverture & démarrage mains-libres, toit panoramique, caméra 360°, une infinité d’aides à la conduite, les écrans, les rétrocaméras et tout et tout. La version Advance soigne les détails avec les jantes 17″, le volant chauffant, une prise 230 V, le parking automatique (qui ne m’a pas fait rêver) et le rétroviseur central par caméra (intérêt là aussi limité).

Alors, oui, vous trouverez plus pratique et plus polyvalent pour moins cher. Seulement voilà, si tout le monde était raisonnable et pragmatique, on roulerait tous en Dacia et ce serait chiant. Pour comprendre la Honda e, il faut se placer dans la tête d’une famille aisée, possédant d’autres voitures et cherchant à se faire plaisir avec une voiture du quotidien mignonne et sortant un peu du lot. Bam, la p’tite Honda répond à tous les critères. C’est clairement de l’ultra-niche, mais regardez : l’année dernière, 5 141 Mini e ont été vendues en France. Et la Mini e, elle commence certes 3 000 € moins chère mais bien moins équipée que la Honda, elle a une batterie (donc une autonomie) similaire, une charge rapide limitée à 50 kW également et elle a trois portes. En citadine électrique chic, on a aussi la BMW i3, qui commence à 39 950 € (!) avec, certes, une batterie un peu plus grosse mais avec également une liste d’équipements assez nullos, une charge rapide toujours à 50 kW et un accès aux places arrière moins facile que la Honda. Et il s’en est encore vendu 25 000 en Europe l’année dernière.

Vous avez les moyens et vous voulez une citadine sympa ? La Honda e est pour vous. Prenez la peine de vous équiper de votre sac de rando et de rations de survie pour accéder à la concession Honda la plus proche et, promis, vous ne le regretterez pas.

Crédits photo : Jean-Baptiste Passieux

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