Essai : Porsche Taycan 4 Cross Turismo. Et si la moins Porsche des Porsche était la meilleure Porsche ?

Quand on pense “Porsche”, la première chose qui vient à l’idée a peu de chance d’être un break baroudeur électrique. Et pourtant, je viens de récupérer les clefs d’un Taycan Cross Turismo…

Un quoi ?

Un Taycan Cross Turismo. On va décortiquer pour mieux comprendre : Taycan, c’est le nom de la dernière berline Porsche, ayant pour particularité d’être 100 % électrique. Turismo, c’est pour la déclinaison break, à l’image de la Panamera Sport Turismo. En revanche, on n’a jamais vu de Cross dans l’abécédaire de la marque… On connaît les SUV, certes, mais point de Cross. A raison : jamais Porsche ne s’est aventuré sur le marché des breaks baroudeurs, plutôt représentés par Volvo, Subaru, Audi et Mercedes-Benz. Mais voilà, difficile de nos jours pour un modèle de percer s’il n’a pas de protection en plastique ou de suspensions réhaussées et Porsche a craqué : on connaît donc maintenant le pourquoi du comment de ce Taycan Cross Turismo !

Côté look, qu’est-ce qui change ?

On va là aussi fonctionner par mot-clef : pour le côté Turismo, on a -comme on s’en doute- une ligne de toit plus horizontale que le Taycan berline favorisant l’habitabilité arrière et le volume de coffre. Et les chiffres sont là : si l’empreinte au sol ne change pas (4.97 m de long pour 1.96 m de large -oui, c’est un beau bébé) et que la hauteur de caisse est identique jusqu’au montant central, les passagers arrière gagnent 47 mm de garde au toit, tandis que le coffre peut engloutir jusqu’à 1 200 litres sièges rabattus (le volume du coffre arrière en lui-même ne passe que de 407 à 446 litres). Le Taycan Cross Turismo n’est pas un déménageur, mais gagne tout de même en polyvalence par rapport à la berline.

Pour le côté Cross, la recette est simple : surélevez la garde au sol de 20 mm et appliquez quelques menues protections en plastique (arches de roue, bas de caisse etc). Ah si : pour 1 656 € supplémentaires (2 004 € si vous les voulez peints), la robe de votre Taycan pourra se parer de protections supplémentaires, notamment sous formes d’ailettes au niveau des passages de roue pour protéger cette belle carrosserie des gravillons. La garde au sol, elle, se verra alors augmentée de 10 mm supplémentaires.

T’en penses quoi ?

J’ai toujours eu un vrai faible pour les breaks tout-terrain et je trouve le Taycan berline sublime. Le mélange aurait pu être un peu chelou mais le concept Mission E Cross Turismo nous avait à l’époque rassuré sur la robe de cette déclinaison, et ce même malgré des jantes bleues (???) -jantes que l’on retrouve par ailleurs au catalogue, Dieu merci dans des couleurs plus sages. Quand j’ai vu les Taycan Cross Turismo disponibles devant la gare d’Etaples, j’ai quand même été assez soufflé par le charisme et la présence des bêtes. C’est fluide, c’est sensuel, c’est puissant, c’est musclé, c’est élancé, tout me convient : ce Taycan baroudeur -comme toutes les autres Porsche, ne nous voilons pas la face- est beau, tout simplement.

Là où ça devient fort, c’est que le Taycan Cross Turismo arrive à être impressionnant même avec la config de ma voiture d’essai : le Bleu Neptune a la profondeur d’un pédiluve, les jantes aéro ont beau être en 20 pouces, elles sont, comme la quasi intégralité des jantes aéro, franchement pas sexy ; les barres de toit noires jurent un peu mais ont le “mérite” de s’accorder avec les poignées de porte de la même couleur. Une configuration somme toute très laide allemande, mais que la robe du Taycan arrive tout de même à faire resplendir. Chapeau !

De l’autre côté du spectre, on peut avoir ce genre de choses purement sublimes

On est des bagnolards de base, on veut du technique. Fais-nous péter les changements mécaniques !

Ok, c’est parti. Tous les Taycan Cross Turismo, à l’inverse des berlines, reçoivent de série les quatre roues motrices (grâce à un moteur sur chaque essieu), la grosse batterie de 93.4 kWh et la suspension pneumatique. La gamme “classique” est reprise avec la version “4” en entrée (380 ch / 476 ch en Launch Control, 0 à 100 km/h en 5,1 secondes), suivie de la 4S (490 ch / 571 ch en Launch Control, 0 à 100 km/h en 4,1 secondes), de la Turbo (625 ch / 680 ch en Launch Control, 0 à 100 km/h en 3,3 secondes) et de la Turbo S au sommet (625 ch également mais 761 ch en Launch Control, 0 à 100 km/h en 2,9 secondes). Tout ce petit monde annonce des autonomies WLTP comprises entre 400 et 450 km.

Terminons le chapitre modifications techniques par l’ajout d’un inédit mode “Gravel”, permettant par diverses modifications (course de l’accélérateur, distribution de la puissance, réglages des amortisseurs etc etc) d’optimiser au maximum les capacités tous-chemins de la bête. Pour cet essai, c’est sur un Taycan 4 Cross Turismo que j’ai jeté mon dévolu.

Et alors, ça rend quoi ?

Le consensus est général : une voiture de 380 ch, qu’elle soit essence, diesel ou électrique, c’est plus que suffisant pour le quotidien. Surtout que le Taycan Cross Turismo apporte une touche supplémentaire : le confort. Confort par l’allonge et la réactivité immédiate bien connues des électriques, mais également confort par la douceur assez inattendue (de ma part, du moins) de la voiture dans sa globalité. C’est dit : cette Porsche baroudeuse est confortable. Les suspensions pneumatiques doivent grandement participer à ce résultat mais, même au-delà de ça, la direction est d’une précision assez remarquable, la position de conduite est parfaite, les sièges enveloppent juste ce qu’il faut, le silence est d’or…à condition de ne pas activer cet affreux Electric Sport Sound qui emplit l’habitacle -et l’environnement extérieur !- d’un bruit totalement artificiel, uniquement là pour combler l’ego de kékés en puissance voulant faire vroum vroum. Mais passons, et restons sur ce caractère bien policé.

Je n’ai pas honte de le dire : je me suis plus promené à bord de mon Taycan 4 Cross Turismo qu’attaqué le mors entre les dents sur le parcours proposé. J’aurai d’ailleurs bouclé les 75 km du circuit avec une consommation de 21.1 kWh/100 km, un chiffre assez remarquable étant donné le potentiel de la bête. Car du potentiel, elle en a : pivotez le sélecteur sur le volant d’un quart de tour pour basculer en mode Sport, et vous sentirez immédiatement l’ensemble de la Porsche se réveiller, comme si elle se tenait prête à attaquer à tout moment. La direction devient plus lourde, les suspensions se durcissent, la réponse à l’accélérateur s’aiguise, bref, tout est fait pour hausser le rythme et franchement s’amuser : malgré son statut d'”entrée de gamme” (si tant est qu’on puisse appeler une Porsche comme ça), ce Taycan 4 est capable d’imprimer une cadence difficile à suivre pour le commun des mortels.

Ah, et terminons quand même avec ce pour quoi on était venus : l’exploration dans les chemins battus. Nous avons eu droit à un parcours dans un terrain privé jouxtant le Marquenterre et cette sensation de rouler dans la nature sans émettre le moindre son est assez magique. Côté prestations, je n’ai aucune expérience en tout-terrain et je n’aurai donc aucune aptitude à juger les prestations des voitures mais nos Taycan tout-terrain s’en sont sorties comme des rois. Le contraire aurait été peu reluisant pour les responsables de la marque…

Et… T’as pas réussi à choper un truc un peu plus excitant ?

Je vois bien que je vous laisse un peu sur votre faim avec ma petite balade picarde -et j’avoue que j’aurais tout de même bien aimé connaître le goût de la transgression que peuvent apporter les surpuissantes versions Turbo. C’est avec cette idée en tête que j’ai subtilisé les clefs d’une Turbo S immaculée pour le retour vers la gare. Un trajet ni très long ou très exigeant, certes, mais l’occasion d’avoir un bon avant-goût. Commençons par le chiffre le plus hallucinant : les 761 ch de puissance lors d’une session de launch control, permettant de satelliser le Taycan à 100 km/h en seulement 2.9 secondes.

L’expérience ? Littéralement douloureuse. On s’agrippe comme on peut au volant tandis que notre corps s’incruste dans le dossier du siège, les yeux s’exorbitent, une sorte de râle parvient difficilement à sortir de la bouche. C’est diabolique, c’est hallucinant, c’est terrifiant, c’est stupéfiant, je vous laisse le choix, mais cette sensation est peut-être (je dis bien peut-être, mes souvenirs remontant à quatre ans) encore plus violente qu’à bord de la Model S P100D, ma référence jusqu’à maintenant. Ca laisse en tout cas ou bien sans voix, ou bien avec la bouche remplie de gros mots.

Ok, méchant. Concluons : la moins Porsche des Porsche est-elle réellement la meilleure Porsche ?

Ben… Non. Le simple tour en Turbo S aura permis de démontrer que le Taycan 4 Cross Turismo n’est clairement pas la plus Porsche des Porsche. Ce n’est ni la plus aiguisée, ni la plus performante, ni la plus enivrante, ni la plus addictive des créations de la marque. Dois-je ici vous avouer que le titre n’est qu’un piège à clics ? Peut-être pas totalement, mais disons qu’il est là pour titiller votre curiosité. N’oublions cependant pas que, même si ce Taycan baroudeur n’est pas l’engin ultime, il n’en reste pas moins une sacrée bagnole. C’est une Porsche, nom de nom !

Crédits photos : Porsche, Jean-Baptiste Passieux

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