Expérience : que donne votre SUV sous la neige de l’Alpe d’Huez ?

Je sirote mon café devant le 13h et tombe une fois de plus sur un reportage de saison : des dizaines de voitures bloquées en haute Loire sur l’autoroute, incapables de franchir cette légère pente enneigée. Ça patine, ça glisse, ça klaxonne et parfois même, ça s’accroche. Plus qu’une simple peur, la neige est devenue le cauchemar des automobilistes peu habitués à rouler dans de telles conditions. Le paradoxe, c’est le nombre de clients toujours plus nombreux à adopter la “baroudeur attitude” en délaissant leur break ou leur monospace pour l’achat d’un SUV. En France, d’après les chiffres tombés hier, c’est 38% des ventes en janvier 2019, et ça continue de grimper même si l’on sent un petit essoufflement dans la croissance. Mais alors que les épisodes neigeux sont de plus en plus nombreux ces dernières années, quel SUV adopter pour se prémunir au maximum d’une situation de blocage ? Tour d’horizon plutôt éclectique du marché à l’Alpe d’Huez, avec l’école de pilotage Evodriver !

Pour la 3ème fois depuis début 2018, Evodriver pose ses valises à l’Alpe d’Huez pour une expérience particulière : les SUV et Crossovers à la montagne. Quoi de mieux que des conditions tout ce qu’il y a d’hivernal pour mettre à l’épreuve ces véhicules que nous croisons maintenant à chaque coin de rue et qui pour certains (Peugeot 3008 en tête) raflent toutes les parts du marché ? Plus de 8h de roulage sur route ouverte et sur circuit nous attendent avec un panel de voitures très varié, nous et vous permettant rapidement de ce rendre compte de l’étendue du marché. De la petite et rustique Fiat Panda 4×4 au bouillonnant Mercedes GLA 45 AMG, toutes ont leur mot à dire pour ne pas vous laisser au bord de la route lors de l’ascension des dizaines d’épingles enneigées et verglacées qui mènent droit à l’Alpe d’Huez. 

Alfa Romeo Stelvio 2.0 280 Q4

L’Alfa Romeo Stelvio, vous la connaissez bien, voire très bien. Tout ça grâce à votre blog préféré évidemment. Essayé ici, ici, ou encore là-bas, toutes les versions ont eu le droit à leur moment de gloire sur nos pages. Et c’est avec un plaisir non dissimulé que je retrouve mon premier amour, doté de la motorisation essence 4 cylindres 2.0 L 280 ch en transmission intégrale Q4. Celui-ci, je l’ai usé jusqu’à plus soif sur l’excellent circuit de glace de l’Alpe d’Huez. Si son gabarit avait de quoi effrayer au premier abord (c’était de loin el plus imposant du line-up à notre disposition), sa base de Giulia se rappelant à mon bon souvenir m’a vite donné envie de me diriger vers lui afin de vérifier si sur la neige, son côté “propulsion” prédominait de nouveau. Il faut dire que son dynamisme m’avait tout autant conquis sur route ouverte mouillée que sur circuit dans sa démoniaque déclinaison QV. Pas de chichi, je positionne dès le début le DNA sur “dynamique”. Avec le Mercedes GLA 45 AMG, c’est sans aucun le duo le plus dynamique du plateau, et j’aurais tort de ne pas en jouer. Le circuit de 800 mètres ainsi que les conseils des instructeurs bien en tête, le survirage sur la neige n’a plus de secret. Volant à 90° en direction du virage et freinage dégressif jusqu’au point de corde et le Stelvio se déhanche encore mieux qu’une danseuse dans un clip de rap. Dommage que l’ESP non désactivable vienne gâcher la fête dès lors que l’on exagère l’angle du volant. Le Stelvio joue de son excellente motricité mais surprendra Jean-Hubert tout droit sorti du 16ème s’estimant intouchable sur la neige par des ruades parfois bien plus larges qu’il n’y parait, et même avec l’ESP et les pneus hiver (dont sont équipés tous nos véhicules d’essai). 

Fiat 500 X 2.0 Multijet 4×4

Elle aussi on la connait déjà ! La Fiat 500 X a bénéficié d’un léger mais réussi restylage en fin d’année dernière. Elle inaugurait d’ailleurs le nouveau 1.0 L Firefly (essayé ici) comblant le vide laissé par le “parti trop tôt” Twinair. Sous ses airs de 500 boostée aux hormones ou à la  petit pilule bleue si vous avez bien la pub en tête, la 500 X ne dispose que d’une seule motorisation pouvant être associée à une transmission intégrale, le 2.0 Multijet, un diesel donc, associé à la boîte automatique ZF à 9 rapports. Très coupleux avec un maximum de 350 Nm, la 500 X reste sous la barre des 1500 kgs à vide ce qui en fait le compagnon presque idéal pour vos longues ascensions vers les sports d’hiver. On retrouve toutefois une direction trop légère et un 4 cylindres bruyant et rugueux. La boîte peu réactive grève malheureusement les performances et si le confort ne lui fait pas défaut, la position de conduite trop haute pour ma part ne me convient définitivement pas. La bonne surprise intervient toutefois sur le circuit de glace ou la Fiat démontre une agilité sans pareille ! Un très léger sous-virage et 4 roues motrices qui remplissent leur tâche à merveille en rattrapant les quelques glissades impromptues dues à un placement en virage à la pédale de frein trop optimiste. Le tableau serait idéal avec une direction plus consistante. Malgré une copie imparfaite sur le couple moteur/boîte, la 500 X rassure par un comportement homogène sur la neige et la glace (90 % d’adhérence en moins sur le circuit par rapport à l’asphalte). 

Fiat Panda Cross 4×4 0.9 Twinair

Éclipsée des médias ses derniers temps à cause de l’arrivée du petit Suzuki Jimmy au summum de la Hype, la Fiat Panda 4×4 persiste et signe à l’aide du seul moteur disponible au configurateur : le fameux byclindres Twinair. Avec 30 ans d’expérience et de dur labeur sur les cols enneigés du monde entier, la Panda dispose d’une solide expérience en la matière et n’a pas à rougir des prouesses encore d’actualité de la Panda 4×4 “Val d’Isère” originelle. Rustique à travers un équipement pauvre en nouvelles technologies, elle nous rappelle à tous les ingrédients de l’arme absolue en conditions hivernales : une tonne sur la balance, un empatement court, une garde au sol élevée, des pneus étroits et un petit moteur hargneux. M’est avis que les deux petits crochets de remorquage rouges bien visibles sur le sabot de protection à l’avant ont dû servir bien plus à tirer des touristes bloqués qu’à se faire remorquer. On comprend vite derrière le volant pourquoi cette petite voiture roturière peuple les maisons des cols environnant. Le bicylindres ne rechigne pas à la tâche et singe la Fiat 500 dans un bruit de mobylette avec un kit 75. La poussée est franche mais linéaire et je me retrouve même au rupteur, la banane ! La Panda ne semble s’essouffler à aucun moment et pousse à allonger les rapports jusqu’au bout. En me relisant, j’ai l’impression de sortir d’une sportive… Sur le circuit en tout cas, elle ne craint personne et sautille dans chaque virage conférant une fois de plus chez Fiat, un comportement très homogène, les roues aux 4 coins aidant. Le seul piège c’est de se laisser prendre au jeu tour après tour jusqu’au point de non retour du survirage. 

Honda CR-V 1.5 VTEC Turbo & Hybride

Une des nouveautés du Mondial de Paris 2018 et première occasion pour nous d’approcher en “conditions réelles” la bête qui se dévoile sous deux motorisations : le 2.0 L i-VTEC atmosphérique aidé de 2 blocs électriques pour un total de 184 ch et 1.5 L VTEC Turbo essence de 193 ch associé à la boîte automatique CVT. C’est le premier qui m’intéresse en premier lieu, notamment parce que l’hybridation est LA nouveauté de cette cinquième génération du CR-V. Pas de recharge manuelle pour les blocs électriques qui récupèrent de l’énergie au freinage et à la décélération. Pas de boîte de vitesses non plus, le CR-V hybride se conduit comme une boite automatique. En descendant de la station vers le premier village d’Huez, seuls les moteurs électriques fonctionnent et contrairement à de nombreuses voitures hybrides et/ou électriques, l’intensité de décélération ne se gère pas au niveau du sélecteur de mode P, R, N ou D via un mode additionnel “B” mais directement aux palettes au volant où vous pouvez choisir entre 4 niveaux différents qui s’affichent via un nombre de petites flèches à côté du “D”. À l’usage et dans une descente de col si abrupte , c’est idéal ! Malgré sa hauteur de caisse et un gabarit imposant, le CR-V brille à première vue par son amortissement d’une efficacité stupéfiante. Peu voire pas de roulis et une absorption des imperfections de la chaussée sans critique. Si la présentation intérieur était un peu plus joyeuse et la qualité des matériaux un cran au dessus, je m’arrêterais là en arguant que le nouveau meilleur ami des familles, c’est lui. Oui mais voilà, le monde est parfois cruel et après une descente d’épingles idéale, il faut remonter. Le temps de regarder l’habitacle qui m’entoure, je découvre des incrustations en faux vrai bois véritable, digne du plus beau toc des japonaises des années 90, c’est kitsch au possible.

Pédale de droite en mode full attack pour franchir la première épingle et le 2.0 L se réveille dans un hurlement sans fin. Si à vitesse stabilisée l’insonorisation frôle la perfection, en phase d’accélération, un bruit d’aspirateur asthmatique. J’arrive au circuit, déçu du retournement de situation lors de ce court essai. Je prends alors le volant de la version essence pour quelques tours de circuit. Enfer et damnation. Si vous ne connaissez le mot sous-virage, le CR-V vous en apprendra la définition même. Malgré les pneus hiver Yokohama au grip excellent sur la route, la neige et la glace ont raison d’eux et le poids du CR-V l’emmène droit vers l’extérieur à chaque virage. Freinage appuyer pour provoquer du survirage ? Impossible. Relâcher la pédale de droite en sortie de virage pour reprendre une trajectoire convenable ? Impensable. Après un début de relation compliqué entre nous, j’espère vite pouvoir retrouver le CR-V dans des conditions “correctes” pour en découvrir ses qualités. 

Mercedes GLA 45 AMG

“Vive le sport” affichait fièrement Renault sur ses affiches publicitaires des années 80, mêlant  R5 GT Turbo et F1. Point de moteur Renault ici, même si la Classe A partage toujours avec le losange le 1.5 Dci. Ici, notre étoile dispose du “4 cylindres le plus puissant du monde” puisque ce 2.0 L d’origine Mercedes développe 381 ch. Rien que ça. Le soleil brille et j’ai près d’une heure devant moi pour éprouver une fois encore les 21 virages qui mènent à la station. Je m’installe au volant avec la désagréable impression d’atterrir dans un habitacle étriqué. Et ce n’est pas qu’une impression, je suis obligé de régler le siège à la hauteur minimale (et je ‘aurais encore bien baissé), recule le siège pour ne laisser ainsi plus aucune place à un passager arrière gauche potentiel. Avec mon 1m84, ma tête touche presque le plafonnier. Ça risque d’être compliqué si je dois enfiler un casque. Ce désagrément passé, je me concentre sur le combiné d’instruments et le volant à méplat, recouvert d’alcantara et à la jante très épaisse, presque trop (je lui préférais la fine jante du volant de l’Alfa). 0 à 100 km/h en 4,4 secondes (peut-être un peu plus avec les Pirelli hiver), c’est un chiffre qui chatouille mes oreilles à la vue du local en utilitaire qui me colle à la sortie de la première épingle. Pouf. C’est réglé.

En mode “Sport”, la sonorité est déjà très travaillée pour cracher à chaque passage de rapport. Sport+, on s’arrêtera là pour la route ouverte. Le gabarit compact me change des autres SUV à l’essai. Je suis assis plus bas, l’amortissement est beaucoup plus ferme. Le GLA ne cache pas ses envies de sport même si sa plastique extérieure n’est pas pour autant des plus suggestives. Même torturée à souhait avec une route alternée entre flaques de neige fondues et mélange d’amas de glace et de sel, la transmission ne souffre d’aucun défaut. Avec des roues placées aux extrémités de la voiture (comme la Panda !), un moteur placé derrière l’essieu avant grâce à son gabarit compact, le GLA a toutes les cartes en main pour disposer d’un comportement exemplaire, aidé de la transmission 4Matic qui gomme sur route ouverte la moindre trace de sous-virage et emmener les presque 1600 kgs à vide de la bête ! À l’usage, je relève tout de même un train avant peu communicatif et un moteur peu à l’aise lorsque l’on approche de la zone rouge. C’est assez flagrant sur circuit avec encore moins d’adhérence, même si le comportement reste homogène, il faut savoir où le GLA veut nous emmener. En mode “race” avec l’ESP moins intrusif, le survirage se fait plus brutal, moins prévenant et surtout plus difficilement rattrapable, satané train avant. Il faut également impérativement prendre le pas sur la gestion de la boite via les palettes. Globalement, avec un ESP bien calibré, un 4 cylindres qui souffle jusqu’à 250 km/h et de bons pneus hiver, vous serez sans peur et sans aucun doute, le premier en bas des pistes pour chausser les skis. 

Mitsubishi Outlander PHEV

Un SUV de presque 2 tonnes sur un circuit de glace, quelle drôle d’idée. Pas tellement si l’on voit le succès de l’Outlander qui est définitivement le best-seller de la marque à travers l’Europe. Mitsubishi apporte également depuis 2014 sa pièce à l’édifice des hybrides en proposant une version PHEV de son SUV proposé à 36 990 €, un joli prix d’appel pour un tel engin ! L’Outlander PHEV embarque deux blocs électriques (de 95 et 82 ch) et inaugure pour le millésime 2019 un nouveau bloc thermique 2.4 L de 121 ch. Le poids des années commence tout de même à se faire sentir à l’extérieur comme à l’intérieur. Sur la glace, l’Outlander s’en sort avec les honneurs ne disposant que de pneus “toutes-saisons” contrairement à ses compères. Moins sous-vireur que le CR-V, il n’en demeure pas moins extrêmement lourd. Pas sûr dans ces conditions de franchir les épingles abruptes verglacées pour accéder aux stations. Toujours est-il qu’à ma connaissance, personne n’est resté bloqué durant les essais.

Peugeot 3008 BlueHDI 180 EAT8

LA référence des SUV. Du moins en termes de chiffres de vente puisqu’une fois encore, il truste la troisième place du podium en nombre d’unités vendues toutes marques et tous véhicules confondus sur le marché français en janvier 2019. C’est également le seul (avec le 2008 qui l’accompagnait) à ne pas disposer de 4 roues motrices. Seuls des Michelin hiver et le tant vanté système Grip Control pourront venir à la rescousse en cas de difficulté. C’est mon premier contact avec le 3008 (si l’on exclue mes aventures sur l’autoroute en 5008 1.2 Puretech), et sa réputation concernant la présentation intérieure n’est pas usurpée. Je dispose pour cet essai du 4 cylindres HDI 180 ch. Les premiers tours de roue sont laborieux sur le circuit, forcément en traction… Je me demande même où sont bien passés les 180 ch car même en situation de grip, c’est pas très flagrant. C’était d’ailleurs l’une des constatations de mon estimé collègue Gabriel lorsqu’il en a pris le volant dans des conditions tout aussi humides mais bien plus clémentes niveau températures (à relire ici). Si Peugeot a fait l’agrément de conduite l’un de ses fers de lance, la conduite en conditions difficiles s’avère plus compliquée que prévue. Et c’est l’intervention plus qu’hasardeuse de l’ESP qui m’intrigue. Afin de réduire l’effet de sous-virage, je tente tant bien que mal de placer le 3008 dans la bonne trajectoire en courbe au frein, l’arrière pivote gentiment, enfin pas si gentiment que ça. Ça glisse même beaucoup et l’ESP qui clignote pourtant dans tous les sens n’intervient franchement qu’une fois le travers bien entamé, de quoi prévoir de belles frayeurs sur route verglacée. Pourtant, après plusieurs mises en situation, le Grip Control a lui seul effectue un travail admirable. À l’arrêt en montée dans 10 cm de poudreuse, le 3008 patine, grogne un peu mais s’extirpe sans mal. 1 partout balle au centre. Toujours est-il que sans pneus adaptés, avec tout votre bazar dans le coffre et la famille à l’arrière, vous serez dans de beaux draps… 

Et finalement , tous ces SUV, on les valide ?

On valide surtout les pneus hiver qui apportent pour qui veut bien l’entendre une sérénité et surtout une efficacité bien supérieure à vos gommes lambda dans de telles conditions. Si vous vous servez de votre voiture régulièrement en semaine et partez chaque année en direction des Alpes pour la semaine de vacances écolières, c’est un point de passage obligatoire. Enfin moi après ce que j’en dis, c’est pour votre sécurité hein ! Les systèmes d’aides à la conduite sont plus nombreux et les voitures plus sûres que jamais. Mais elles gagnent en largeur de pneu et en embonpoint, deux ennemis de la conduite sur neige et/ou verglas. Pensez donc à vous équiper en conséquence. Les 4 roues motrices s’en tirent bien au dessus de la moyenne, et c’est rassurant, le contraire aurait été alarmant. Il n’y a pas vraiment de mauvais élève dans la catégorie des SUV en transmission intégrale. Cela dépend finalement surtout du calibrage de l’anti-patinage, qui vous laisse ou non, démarrer la glissade et qui vous permet ou non, de la rattraper. 

Un grand merci à l’école de pilotage Evodriver, à la commune de l’Alpe d’Huez et à Maud pour l’organisation et l’accueil ! Merci également aux constructeurs d’avoir joué le jeu en mettant leurs véhicules à disposition pour ces essais.

Crédits Photos : Maurice Cernay

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