En rendant le mythe à nouveau disponible (et assez accessible), la Mustang est sans conteste l’une des autos-évènement de l’année 2015. Mais que vaut-elle au quotidien ?
Enfin ! Enfin, la Ford Mustang est accessible chez votre bon concessionnaire Ford du bout de la rue ! Car à part la première génération qui a été vendue au compte-gouttes à quelques starlettes et gentlemen driver qui l’inscrivirent au Tour de France Auto (où elle remporta la catégorie « tourisme » en 1964, quand la victoire au général revint quand même à une Ferrari 250 GTO), la Mustang a construit hors USA son mythe sur la rareté et séduisait ses fans par le biais d’officines parallèles qui ne se gênaient pas pour facturer trois fois le prix local. La passion n’a pas de prix, c’est bien connu. Mais doit-elle rendre aveugle ?
Enfin, disais-je, car la Mustang, quand même, c’est pas rien ! La Mustang, c’est tout à la fois : l’incarnation de l’Amérique heureuse et sans complexe (au moins en façade, c’est déjà ça), le rêve à la portée de la classe moyenne (qui chez nous, avait pour mission de s’épanouir dans une Peugeot 403 ou une Renault Caravelle, fallait quand même une grande richesse intérieure) et la promesse du cheval-vapeur bon marché et, ce qui ne gâche rien, carrément bien looké.
Ce n’est pas rien, la Mustang : 9,2 millions d’exemplaires en 51 ans de carrière et l’immense majorité d’entre-elles vendues aux USA. Et voici le chiffre qui prouve que la Ford Mustang est un mythe : elle a plus de 8 200 000 fans sur Facebook (à titre de comparaison, la Renault Laguna a une page avec 536 fans, mais elle se fait doser grave par la page de la Citroën C5, qui elle a carrément 1019 fans ! Sont forts, chez Citroën !), dont plus de la moitié localisés hors USA. De quoi convaincre Ford, à l’image de la plupart des autres modèles de la gamme, d’en faire une auto mondiale. La Mustang 2015 sera même, c’est une première, produite avec conduite à droite pour nos amis de l’ex-empire britannique. Et ce pari semble porter ses fruits, avec plus de 8000 Mustang 2015 commandées en Europe (dont 64 % en V8), et dont plus de 600 en France, et 350 livrées à ce jour.
En attendant, vous devez vous dire qu’on vous parle beaucoup de Mustang. C’est vrai que le blog en a déjà fait une présentation générale ici et quelques petits tours sur circuit là. Mais mes éminents collègues ne pourront pas me contredire sur ce point : c’est au quotidien que l’on prend toute la mesure d’une auto. Et donc, ça donne quoi une Mustang GT 5.0 BVA au quotidien ?
Découverte : chaud et froid !
« Tu verras, la Mustang 2015, ça n’a rien à voir en qualité de construction avec les précédentes générations », me dit une connaissance qui maîtrise assez bien le dossier. Moi, je travaille sur la confiance : je ne demande qu’à être d’accord.
Il n’empêche : en entrant dans la Mustang, les yeux du scribouillard 2015 étant particulièrement critique, je vois tout de suite ce qui cloche. Et ce qui cloche, c’est le plastique granuleux du tableau de bord et de la console centrale, englobant jusqu’aux porte-gobelets. Les trois aérateurs de Dacia sur la console centrale. Les commandes de sièges chauffants et ventilés semblent venir d’une Kia millésime 2009 et les ébavurages du plastichrome des basculeurs à droite du boutons start me rappellent des maquettes des années 70.
Je suis trop critique ? Oui, probablement.
Parce qu’il y a quand même plein de raisons de se réjouir de monter à bord de cette Ford Mustang. La plaque devant le passager, « Mustang, since 1964 », vous rappelle que vous ne montez pas à bord d’une simple auto mais d’un morceau d’histoire. Les sièges en cuir sont plutôt sympas à regarder et en plus ils maintiennent bien. Par contre, les sièges arrière ne conviendront qu’à des enfants ou des ados mesurant moins d’1,70 m, sous peine d’avoir le crâne planté dans la vitre arrière !
Bref, je m’installe, et je suis bien. Devant moi, deux longues nervures longitudinales sur le capot, dont les limites sont difficiles à cerner ; derrière moi, les deux ailes qui étalent leurs protubérances dans les rétroviseurs : quelle ambiance !
L’ergonomie est excellente, l’instrumentation est lisible, l’éclairage intérieur est personnalisable, le compteur de vitesse étale ses chiffres sous l’indication « ground speed » : ça met dans l’ambiance direct ! Le SYNC 2 est désormais une vieille connaissance chez Ford et je l’apprécie pour sa logique de fonctionnement et l’amplitude de réglage qu’il offre dans les menus. Si la Mustang sait distiller nombre d’équipements de confort, elle fait l’impasse sur des systèmes de sécurité disponibles sur d’autres Ford bien plus roturières, à l’instar du régulateur de vitesse adaptatif ou du système de maintien de ligne.
Mais tout cela devient secondaire à la première pression sur le bouton « start ». À froid, le V8 5.0 32 soupapes cale son ralenti à 1500 tr/mn pendant une bonne vingtaine de secondes, avec des grognements sourds qui disent (haut et fort) au voisinage que vous avez définitivement renoncé au TDI. Celui-ci, s’il est vraiment écolo, devrait vous en savoir gré.
Ce qui est moins écolo, c’est qu’il fait chaud dans cette Mustang. Et que la clim’ est typiquement américaine. Vous voulez du frais : ce sera glacial. Vous voulez du tiède : ce sera du bouillant. Dans tous les cas, c’est super bruyant et ça ventile à mort, même avec le réglage sur la position mini. Je fais diversion en testant la radio : tiens, elle sonne clair cette guitare sèche ! Et ce piano, derrière, il a le mérite de ne pas en faire de trop. Et cette voix de baryton dopé, elle prend un sacré relief : Johnny Cash entonne Personal Jesus dans la Mustang, et elle va bien cette sono. Vite, coupons la clim’.
En quelques jours d’utilisation, je n’ai jamais vraiment réussi à obtenir un doux filet d’air ambiant à la température et au flux souhaité. On compense avec les bonnes vieilles méthodes d’antan : une fenêtre légèrement entrouverte qui permet de ne pas avoir de buée. Et en plus, ça permet de profiter un peu plus des glougloutements du V8 ! Et ça, c’est bon, coco !
En ville : photo me, I’m famous !
Je suis soudainement devenu beau. Putain, ça change la vie. Super beau, même ! Alléluia ! Ou alors ça doit être l’effet Mustang. Mince, en fait, ça doit être ça. Toujours est-il que les flashes crépitent, les téléphones sont de sortie, chaque arrêt au feu rouge est immortalisé. Étant donné son prix de vente très raisonnable, la Mustang doit être la meilleure offre low-cost de célébrité immédiate, un rien surfaite et terriblement instantanée. En plus, pas besoin de la version 5.0, le résultat doit certainement être le même avec le 2.3 (même si celui-ci n’a pas droit aux logos 5.0 sur les ailes avant ni GT sur le coffre). Ses proportions généreuses et son allure spectaculaire suffisent largement. Il faut reconnaître que Moray Callum (le frère de Ian Callum, designer en chef chez Jaguar) a carrément bien réinterprété le mythe, avec les ailes galbées et les trois barres dans les feux avant et arrière.
Puisque l’on parle de proportions : la position de conduite parfaite se trouve facilement grâce aux nombreux réglages des sièges (je n’avais pas les Recaro en option à 1800 €) mais malgré ça, pas simple d’enregistrer le volume de l’auto (4,78 m de long, 2,08 m de large au niveau des rétroviseurs). Le radar de recul est une option carrément recommandable (à 400 €, ou dans le Pack Premium à 2500 €), et il n’y a rien pour cerner les limites du long capot avant. Les grosses jantes de 19 pouces chaussées de 275/40 à l’arrière débordent un peu : attention donc lors des stationnements.
Bien entendu, la boîte auto est là pour vous faciliter la vie. Et si le régime de couple maxi peut paraître haut placé (4250 tr/mn), y’en a pour 54 m/kg en tout et déjà quelques dizaines qui sont dispo dès le régime de ralenti. Du coup, même si la boîte auto privilégie la souplesse en mode Drive, la Mustang délivre des sensations idéales pour cruiser en douceur sur nos boulevards, tout en sachant donner le petit coup de rein nécessaire, instantanément, pour « s’insérer en sécurité dans le trafic », comme il est écrit dans le Code de la Route.
Avec une telle cavalerie sous le capot, d’aucuns poseront la question de la conso du V8. Sur du péri-urbain roulant avec peu d’embouteillages, j’ai fait du 11,7 l/100. Mais dans de l’embouteillé : c’est du plus de 16 l/100 d’emblée… Sans système de Stop & Start, le bloc de 4951 cm3 ne peut masquer sa vraie nature.
Sur route : efficacité, sobriété !
Même avec les 310 chevaux du 4 cylindres 2.3, la perspective de prendre la route avec la Mustang serait plus excitante qu’une nuit de noce (fruit d’un amour sincère) avec Chantal P., alors, imaginez l’excitation ressentie dès que l’on démarre le V8. Broap !
Lors des premiers kilomètres parcourus au volant dans le trafic suburbain parisien, j’avais un sentiment mitigé à propos de la boîte auto. Genre : vous accélérez hyper gentiment pour doubler une Dacia Duster, vous relâchez les gaz une fois votre forfait accompli et, paf !, la boîte auto en profite pour monter un rapport alors qu’il vous faut freiner pour éviter de s’encastrer dans une Dacia Logan. Et là, je me suis dit, « Gab’, c’est une boîte auto moyenne de caisse américaine de base ». Bof, quoi.
Ce qui prouve qu’il ne faut pas toujours se fier aux premières impressions. Car en fait, à l’usage, la boite auto de la Mustang GT 5.0 est assez recommandable, même si les talibans du plaisir de conduite risquent de ne jurer que par la BM6. Et ce, pour deux raisons.
La première, c’est que là où beaucoup de caisses américaines (et, au-delà, de très grosses cylindrées) ont des démultiplications tellement ridicules que même Lance Armstrong il arriverait pas à monter des côtes avec de tels braquets à vélo (en fait, si !), la Mustang reste raisonnable. Ce qui signifie qu’en conduite tranquille et apaisée, une fois que les rapports supérieurs de la BVA sont enclenchés, une accélération raisonnable permettra de faire travailler l’allonge du groupe motopropulseur en faisant l’économie d’une salade de rétrogradages et de convertisseurs de couple qui patinent.
Deuxième effet Kiss Cool® : une boîte auto qui ne patine pas est une boîte auto qui ne consomme pas. Et au fil d’un essai de quasiment 700 kilomètres, je dois reconnaître que la Mustang est carrément sobre dans le cadre d’un usage routier (quasiment) respectueux de nos lois.
Oui, je dois réécrire cette phrase pour la frange de nos lecteurs touchés d’incrédulité : la Mustang V8 est sobre. L’abondance du couple dès les plus bas régimes, la boîte qui entraîne bien, l’allonge du moteur : tout cela est synonyme d’un petit 9,1 l/100 aux allures légales sur des 4 voies limitées à 110. Incroyable mais vrai !
(désolé pour la photo pourrie de mon vieil HTC, mais la preuve est là : la Ford Mustang V8 est sobre !!)
Plus tard, sur des départementales plus techniques, permettant de se faire plus plaisir au volant, j’ai fait du 11,1 l/100 en enroulant gentiment, et du 12,5 sur une grosse section en mode plus énervé (mais toujours prudent, Chantal my love). Si ces chiffres ne vous disent rien, attendez l’anecdote suivante : j’ai essayé la Mustang sur mon full parcours habituel, le même qui a mis à l’épreuve l’auto de mon essai précédent pour le blog, la Volvo XC90 T6 (ici). Avec laquelle j’ai consommé plus (10,6 sur le parcours à 4 voies, et de 12,8 à 13,8 sur départementales suivant le rythme).
Cela remet un peu en question le principe du downsizing, puisque sur le même itinéraire, au même rythme, j’ai consommé moins avec un V8 5.0 de 421 ch qu’avec un 4 cylindres 2.0 de 320 ch. Franchement, ce V8 Ford est impressionnant. D’autant que sur des départementales sinueuses (et malgré la présence d’un mode « manuel » de la boîte auto, l’usage des palettes au volant faisant retomber sur le mode Drive au bout d’un moment), l’allonge du V8 est telle qu’il est impossible de rouler tout le temps près de la zone rouge, à moins d’adopter un rythme « connard » auquel je me refuse sur route ouverte. La générosité du bloc de 4951 cm3 fait que tirer ses intermédiaires à 3 ou 4000 tr/mn sur départementale donne déjà objectivement le sentiment d’aller (assez) vite et renvoie, finalement, à la vraie philosophie de la Mustang : une GT plus qu’une sportive hardcore. D’autant qu’en mode Sport, la BVA, sans égaler les dernières boîtes à double embrayage du marché, ne se montre (pas du tout) larguée, en sachant rétrograder lors des gros freinages et en mettant le (gros) coup de gaz de double débrayage quand il le faut. Yeah !
Et pourtant ! Quand l’espace disponible est suffisant, le V8 change de caractère à 4000 tr/mn. La transmission se met à siffler, le bloc grimpe à 6000 tr/mn sans aucune inertie. Je m’accroche au volant. J’ai la chair de poule. Le paysage défile. Vite.
Sur les basculeurs en plastique mal ébavurés, on peut choisir le feeling de la direction et le mode de conduite (en fait : le niveau de garde fou). Dans le cadre d’un essai routier et avec de jolies feuilles mortes tapissant le bitume de leur orange flamboyant, je n’ai pas été tenté de tout déconnecter. Par contre, le feeling de la direction, le toucher et l’endurance des freins restent à citer en exemple. Il faut dire que là où la Mustang 2.3 fait appel à de gros disques de 354 mm avec étriers 4 pistons, mon V8 s’en remet à des disques de 380 mm pincés par des étriers 6 pistons.
D’ailleurs, quand le rythme commence à frôler le n’importe quoi sur départementale, on constate que les trains roulants de la Mustang ont la double mauvaise habitude de copier les irrégularités du bitume tout en laissant un peu de mouvement dû à ses débattements de suspensions qui privilégient le confort. Bref, la Mustang, une fois bousculée, n’offre pas le toucher de route neutre et précis d’une Porsche Cayman du haut de ses plus de 1700 kilos, mais la bonne surprise vient du fait que l’ensemble reste sain et communicatif, et n’a plus rien à voir avec la saucisse volante des générations précédentes.
Sur autoroute : un rail !
Sur autoroute, y’a pas grand chose à faire. On se met au régulateur à 132, une canette d’une boisson énergisante dans le porte-gobelet en plastique, et on attend en essayant de ne pas s’endormir.
À 130 km/h, le V8 tourne à 2400 tr/mn sur le 6ème rapport de la boîte auto en Drive. Tranquille le chat. Le chant de la mécanique pénètre gentiment dans l’habitacle. Douceur, volupté et gougloutements du V8.
Ceci pour dire que la Mustang sait subtilement distiller une atmosphère gentiment sportive. À des allures plus allemandes, les bruits aéro commencent à couvrir le bruit du V8, tandis qu’à des allures super allemandes, et c’est un sentiment très subjectif, la course morte des amortisseurs avant font que le capot vibre un peu longitudinalement. Mais là, ça commence à aller très vite, proche de la vitesse maxi, et les 240 km/h compteur s’atteignent très rapidement.
Les suspensions restent fermes sans être cassantes et les bruits de roulement sont assez présents sans l’être trop. Oui, la Mustang sait faire dans la nuance et est, dans ce domaine, moins caricaturale et plus vivable qu’une Nissan 370Z Nismo, essayée cet été (ici).
Quoi qu’il en soit, la Mustang est aussi à l’aise sur les Highways limitées à 55 mph que sur les Autobahnen illimitées. Mon parcours autoroutier comparatif et identique aura donné 11,9 l/100 pour la Mustang et 12,3 pour le 4 cylindres 2.0 de la Volvo XC90 T6.
Downsizing ? Sans moi, merci !
D’ailleurs, je ne suis pas le seul à l’avoir trouvé sobre : l’équipe de TopGear Magazine a réalisé un tour de 49 des 50 états américains avec une Mustang GT 5.0 BVM6 : sur 18 237 km, ils ont enregistré une moyenne de 10,9 l/100. Pas mal, non ?
Conclusion : un package imbattable !
En dépit d’un malus de 8000 euros qu’elle se prend direct dans les dents (en même temps, avec une conso mixte annoncée à 12 l/100, la Mustang GT 5.0 BVA tend le bâton pour se faire battre), la Mustang n’a que peu de concurrentes. Une Nissan 370 Z Nismo qui fait 80 chevaux de moins (et 17 m/kg de moins) et qui n’a que deux places et globalement au même tarif, tout comme une Audi TT 2.0 TFSI 230 S-Line S-Tronic (48 800 € + 900 € de malus).
En d’autres termes : vous recherchez le plaisir d’un V8, sobre sur route, avec 4 places, dans le package sexy d’une auto mythique ? Ne cherchez pas : la Mustang est une offre unique pour les épicuriens.
Franchement, Ford : merci, au nom de tous les fans d’automobiles, de l’avoir importé et, surtout, de considérer à nouveau la Mustang comme une auto globale. Et ce, même à 42 000 € en GT V8 BVA, plus 8000 € de malus, plus 700 € de peinture bleue « Impact » (seules les teintes noir, blanc, rouge et orange sont livrées d’origine) et 2500 € de « pack premium » (jantes alu au lieu du noir d’origine, siège en cuir ventilés, SYNC 2, aide au stationnement arrière…), le tarif reste imbattable.
Je ne vous cache pas que je suis curieux de savoir quelle sensations sont capables de distiller le bloc 2.3, mais le fait est qu’au volant de la version 5.0, j’ai finalement et globalement roulé plus doucement que je ne l’aurai imaginé au départ, tellement le velouté du moteur et l’environnement sensoriel vous placent dans un sentiment de bien-être prédomine au volant.
Et au vu tarif, les critiques sur la finition restent secondaires ; par contre l’efficacité de la clim’ pourrait être améliorée…
Photos : Benoît Meulin (© Blue Door Prod).