Rarement une auto m’aura autant intrigué que le C4 Cactus. J’en ai donc profité que Philippe ait surtout essayé la version essence PureTech 110ch à Amsterdam pour me glisser à bord d’une e-HDi 92 le temps d’un week-end…
Très honnêtement, je ne sais même pas par où commencer. Même la stratégie marketing est ultra intéressante : lors de sa présentation au Bourget (nous y étions, à relire ici et là), la conférence de presse tournait uniquement à propos de la voiture « essentielle », plus accessible à tous points de vues (prix certes, mais aussi dépenses courantes, technologie « utile », vie à bord « conviviale »…), dans la lignée du concept C-Cactus de 2007. Problème : une grande partie de la population a interprété le terme « essentiel » comme étant un synonyme de « low-cost ». En gros, ils pensaient que le Cactus était la nouvelle Logan. Raté, 1000 fois raté : mon exemplaire dépassait allégrement les 20 000 €. Du coup, rétropédalage total chez les équipes de com, et, si vous allez sur le site internet Citroën, plus aucune trace de la fameuse philosophie essentielle de la voiture. Tout juste vous parleront-ils de bien-être et de simplicité.
Mais retournons à la voiture. L’extérieur ? Il y a beaucoup de choses à dire. Rien qu’en termes de dimensions : mettez le Cactus dans un environnement neutre, sans moyen de comparaison, et la voiture vous semblera assez volumineuse, avec un esprit baroudeur bien marqué. Mettez-le à côté d’une autre voiture, et le constat sera radicalement différent : ses 4,16 m de long (soit un poil plus grand qu’un C3 Picasso et ses 4,10 m), et surtout sa faible hauteur (1,53 m) se feront beaucoup plus sentir. Concernant le style en lui-même, c’est frais, c’est fort, c’est novateur, et, forcément, ça divise. La petite compilation de commentaires prélevés sur une vidéo de TopGear –à retrouver juste après- pourrait faire un peu peur… Si ces propos étaient tenus dans la vraie vie. Parce que c’est quand même beaucoup plus facile de critiquer gratuitement quand on est bien au chaud derrière son clavier.
Enfin bref, dans la rue, beaucoup de gens se retournaient (peut-être que le rouge pompier n’était pas étranger au résultat). Les enfants semblent particulièrement réceptifs à ces lignes toutes rondes, sans cassure ni angle saillant, tandis qu’à ma grande surprise, beaucoup de gens connaissaient déjà la voiture (il faut préciser que l’essai s’est réalisé fin août –ouh là là le retard le retard). Principaux responsables : les fameux AirBumps, ces bulles d’air encapsulées dans du plastique, disposés un peu partout sur la voiture. Des protections de carrosserie, un point majeur du style d’une auto ? Voilà qui peut étonner… Mais Citroën tient là un gimmick très fort, un nombre incroyable de gens m’ayant résumé le Cactus par « la voiture avec les machins en plastique sur le côté ». Et est-ce que qu’ils remplissent leurs rôles ? Ça a l’air. J’y ai tenté quelques joyeux coups de pieds/portières/caddies et pas une trace ne résultait de ces stress tests. Seul souci, une propension assez folle à se salir (même si le noir a tendance à faciliter ce genre de choses). Pour continuer sur les éléments de style, le double regard avant (LEDs au-dessus des vrais projecteurs) semble s’implanter définitivement dans la gamme (après le C4 Picasso et la C1) et c’est tant mieux. Et terminons sur l’arrière, à propos duquel j’ai pas mal lu et entendu parler d’une ressemblance avec la ZX. Hmm… Bon. Au pire, s’il fallait creuser dans cette voie, je trouverais peut-être une légère évocation de la 205 avec ses feux carrés et sa bande de plastique gris sur le coffre.
L’intérieur ? Il y a beaucoup de choses à dire. On peut par exemple remarquer que l’appellation « planche de bord » aura rarement été aussi justifiée… Sa platitude extrême n’étant gênée que par un écran derrière le volant regroupant le minimum syndical (vitesse, jauge d’essence, totaliseur kilométrique, rapport enclenché, voyants utiles), qui a le bon goût d’être parfaitement visible même en plein soleil, et par la tablette tactile « maison » de 7’’, équipant les 308, C4 Picasso et, depuis peu, la 508 restylée. On y retrouve donc les mêmes qualités (réactivité correcte, menus compréhensibles) et les mêmes défauts (à mon goût trop de fonctions regroupées dans cet écran). Le reste est remarquablement épuré et particulièrement reposant. Le e-HDi n’étant disponible qu’avec la BMP6 (nous y reviendrons plus tard), j’ai donc eu droit à cette fameuse banquette avant. Bon, autant le dire tout de suite, c’est –ici encore- du 100% marketing : je n’ai jamais eu l’impression de partager le même siège/canapé qu’avec mes passagers. Au bout de la millième personne me posant la question « est-ce qu’on peut être à trois devant ? », j’ai pris mon courage à deux mains et, rien que pour toi lecteur (en même temps qu’est-ce que je ne ferais pas pour toi), j’ai parcouru quelques centaines de mètres entre les deux sièges avant. Conclusion : techniquement c’est possible, à condition de ne pas être trop grand. C’est même presque confortable. Mais ne vous leurrez pas : il n’y a pas de ceinture de sécurité, ce qui interdit légalement de monter à trois de face. Dommage.
Autre détail regrettable : la sellerie. Malgré un prix avoisinant les 25 000 €, les sièges de mon exemplaire étaient revêtus du même tissu qu’un Cactus premier prix, coûtant 11 000 € de moins. Ca fait tâche, et le plus regrettable concerne l’absence des petits picots et des lanières de cuir au-dessus de la boîte à gants, si jolis et tellement chics. Pour y avoir droit, il faut prendre une sellerie en velours marron ou violet… Qui ne sont pas disponibles avec le rouge. Messieurs Dames de chez Citroën, pourquoi ne pas proposer un pack optionnel pour y remédier ? Sinon, concernant le chapitre habitabilité, les places arrière sont accueillantes (j’ai cependant eu des témoignages comme quoi les sièges avant, trop massifs, « enfermaient » quelque peu les passagers du deuxième rang) et le coffre a une capacité plus qu’honorable. Dommage cependant que le seuil de chargement soit si haut.
Mais un point particulier est à relever à propos de l’intérieur du Cactus : ce sont ses vitres. Alors vous allez me dire que vous n’allez pas comprendre, avant de vous rappeler que les vitres arrières ne font que s’entrebâiller et de penser que c’est ça dont je peux parler. Alors oui, mais pas que. Cette spécificité ne me choque absolument pas : personne n’ouvre ses vitres AR de nos jours, et ce choix technique a permis de loger dans les contre-portes de profonds bacs de rangements. Non, je voudrais aussi parler les autres vitres de l’habitacle. Commençons par le toit vitré panoramique. Pour des raisons de poids, Citroën a décidé de se débarrasser du vélum occultant en traitant la vitre de façon à ce qu’elle absorbe des UVs. Et ça marche parfaitement bien : même après plusieurs heures de stationnement au soleil, il n’a jamais fait très chaud à l’intérieur du Cactus. Seule contrepartie : la glace est fortement teintée, ce qui rendra l’habitacle un peu moins lumineux que dans un modèle équipé du duo toit vitré « normal » + vélum. Continuons avec la vitre arrière, et, plus généralement, la rétrovision. En deux mots : pas top. Les énormes montants ¾ arrières et la glace très inclinée limitent fortement la visibilité arrière. C’est parfois gênant dans la circulation, et, pour les créneaux, je vous recommande chaudement d’investir dans la caméra de recul.
Passons de l’autre côté, direction le pare-brise. J’avoue avoir été très surpris de sa faible hauteur la première fois que je m’y suis assis : on se serait cru dans une F-Type. Et bien ce n’est qu’une illusion (à peine une sensation), dû à un autre choix technique : l’ouverture vers le haut de la boîte à gant obligeait les ingénieurs à loger l’airbag passager autre part. Ils l’ont donc déplacé dans le pavillon, entraînant l’apparition d’une bosse dans le ciel de toit. Pour éviter toute asymétrie, cette bosse se prolonge sur toute la largeur de l’habitacle, limitant de ce fait le champ de vision du conducteur. Mais bon, c’est pas forcément vers le haut qu’on regarde le plus quand on conduit, et j’avais oublié cette spécificité après quelques kilomètres au volant. Et terminons sur les vitres avant. Ou plutôt les commandes des vitres avant, qui m’ont quand même pas mal agacé. Non seulement la platine est entourée de noir laqué plein de traces de doigts (les enfants, c’est MOCHE le noir laqué, il faut arrêter cette mode stupide) mais elle est mal située sur la contre-porte (pas assez loin, ça m’obligeait à plier le poignet) et…elle tombe. Littéralement. Ma chère maman, qui n’a pourtant pas une force herculéenne, aura réussi à décrocher le bouton passager en voulant descendre sa vitre. Sur une voiture totalisant 3000 km, ça le fait quand même pas trop.
Mais il est temps de démarrer le moteur. Le e-HDi 92 (DV6D pour les intimes), connu et reconnu dans les voitures du Groupe, s’ébroue discrètement. Une pression sur le D du système Easy Push (3 boutons pour commander la boîte : D/R/N –han, recopiteurs de Twizy), et c’est parti. C’était la première fois que j’essayais une voiture équipée de la boîte robotisée PSA (l’ETG6), et, au vu des critiques pas franchement flatteuses de mes confrères, j’avais hâte de découvrir si c’était aussi catastrophique qu’annoncé. Ma réponse est non. Il faut bien savoir à quoi on a affaire : ce n’est pas une boîte automatique « normale » à convertisseur, ni une boîte à double embrayage. Non, nous avons sous le capot du Cactus une boîte manuelle robotisée : c’est exactement la même boîte de vitesse que dans les versions manuelles (=> un système d’engrenages et un seul embrayage), dans laquelle les rapports ne sont pas passés par le conducteur via le levier de vitesse mais par l’électronique de l’auto. C’est le seule différence. Partant de ce principe, je trouve normal qu’on sente les rapports passer et que cela prenne plus de temps qu’une vraie boîte auto : on a ici la même chose que si on passait les rapports à la main. Et, forcément, plus on accélère fort, plus l’à-coup sera perceptible. Donc, oui, forcément, l’agrément est moindre que sur une boîte auto, mais, dans l’état actuel des choses et au vu de l’architecture, on ne peut pas faire beaucoup mieux. On a même droit au toujours aussi excellent Stop&Start maison à alterno-démarreur, coupant le moteur sous 6 km/h et toujours aussi prompt et discret au redémarrage. La boîte m’aura quand même fait un truc bien dégueu : je venais de redémarrer d’un stop et la voiture venait d’enclencher la seconde, quand j’ai soudainement eu l’idée de faire un kickdown. La voiture n’a pas trouvé mieux à faire que de rétrograder en première : j’ai failli me prendre le volant en pleine face.
On l’aura donc compris : la Cactus se conduit à la cool. Et il excelle dans cette situation : le moteur se fait discret, les suspensions sont hyper agréables, la direction offre un compromis idéal entre légèreté et ressenti, tandis que les sièges moelleux achèvent de vous faire sentir bien. La sono fait le job, sans étincelles mais sans défauts. Cerise sur le gâteau, on ne consomme que dalle : après 600 km, l’ordinateur de bord affichait 4,6 l/100 km. Les reprises n’ont rien d’extraordinaires, mais grâce à la légèreté de la caisse (la version de base passe sous la tonne) et en rétrogradant via les palettes au volant, on arrive à doubler sans souci. Même la pédale de frein offre un ressenti agréable…
Qu’en conclure ? Que je l’adore. Si on prend tous les faits de façon froide et détachée, on peut trouver pas mal de petits défauts à cette C4 Cactus. Mais elle est terriblement attachante. Elle distille un quelque chose d’assez unique : j’étais fier de la conduire, fier d’être vu à son volant. Fier de conduire un truc vraiment nouveau, original, osé, mais pourtant parfaitement réussi et vivable au quotidien. Un sentiment que je n’ai pas vraiment l’habitude de ressentir au volant d’une voiture diesel à 20 000 €. Donc voilà, merci et bravo : aux designers d’avoir créé quelque chose d’atypique, aux décideurs d’avoir pris le risque de lancer ce modèle, à Citroën de (re)faire du… Citroën (© Viinz). Reste à savoir si la sauce prendra. J’aurais tendance à penser que oui, le Cactus étant un produit répondant à la demande actuelle : un look de crossover, des touches de personnalisation, des dimensions potables, un prix pas délirant. On verra le résultat dans quelques années, mais, déjà, l’annonce des 15 000 commandes alors que tous les marchés européens ne sont pas encore servis sont encourageants. En tout cas, si les futures Citroën sont aussi colorées et décalées que ce Cactus, j’achète !
Merci à Citroën France pour l’aimable prêt !
Crédits photos : Ugo Missana, Jean-Baptiste Passieux
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